Dernier bastion de la notation, la fonction publique hospitalière passe à l’appréciation de la valeur professionnelle via un entretien annuel à partir du 1er janvier prochain. Une évolution managériale à anticiper afin de sensibiliser les agents à ce nouveau mode d’évaluation.
Dès le 1er janvier 2021, les entretiens professionnels conduits au titre de l’année n–1 au sein de la fonction publique hospitalière devront se dérouler suivant le nouveau régime de « l’appréciation de la valeur professionnelle ». Ils deviennent ainsi la modalité de droit commun de l’évaluation des fonctionnaires. Cette réforme marque un pas supplémentaire dans la modernisation de la gestion des ressources humaines. Son succès dépendra cependant d’une nécessaire sensibilisation des agents à ce nouvel outil managérial et des pratiques qui en seront dégagées.
1. Reconnaître l’engagement professionnel
L’article 27 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a supprimé la référence à la notation dans le statut général et l’a remplacée par l’entretien professionnel comme mode d’appréciation de la valeur professionnelle. Les conditions de mise en oeuvre de ce nouveau régime dans l’hospitalière ont été fixées par le décret n° 2020-719 du 12 juin 2020.
Au regard des dérives constatées, la fin de la notation n’est pas à regretter. En effet, ce système s’est révélé, dans sa pratique, être un outil ne permettant pas une appréciation réelle et suffisamment différenciée de la valeur professionnelle. Au nom d’un égalitarisme contre-productif, plus aucune conséquence n’est tirée de la notation qui est dépourvue de tout lien avec l’avancement des agents [1]. L’entretien annuel participe au renouvellement et à la dynamisation des modalités de reconnaissance de l’engagement professionnel individuel, renforçant le lien entre l’évaluation individuelle et les choix d’avancement, de promotion et de modulation indemnitaire. L’idée étant que « mieux reconnaître la valeur professionnelle des agents permettra de mieux récompenser leur investissement professionnel »[2].
Quelles sont les dispositions applicables aux fonctionnaires titulaires, autres que celles relevant des corps et emplois de direction et des directeurs des soins ?
2. Un outil de dialogue
L’appréciation de la valeur professionnelle de l’agent passe par l’organisation, une fois par an, d’un entretien professionnel. Sa date lui est communiquée au moins huit jours à l’avance. La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l’intéressé et d’un exemplaire de la fiche d’entretien professionnel servant de base au compte rendu. L’entretien est conduit non pas par l’autorité investie du pouvoir de nomination, mais par le supérieur hiérarchique direct, le plus à même d’évaluer efficacement le fonctionnaire. Il s’agit là d’un instrument de management via le rôle dévolu au manager de proximité (le n +1).
Celui-ci vise à analyser et à fixer en commun le bilan des actions menées pendant l’année écoulée et les objectifs prioritaires pour celle à venir. Il permet également à l’agent de s’exprimer sur l’exercice de ses fonctions et son environnement professionnel, ses souhaits d’évolution de carrière, ses besoins de formation.
À noter. Dans le silence des textes concernant la durée de l’entrevue, il paraît pragmatique de prévoir environ une heure afin qu’elle soit efficiente sans être chronophage. Le décret borde précisément les éléments du dialogue :
- Les objectifs passés et à venir de l’agent ;
- Sa manière de servir ;
- Ses acquis professionnels ;
- Ses souhaits et perspectives d’évolution ;
- Ses capacités et son intérêt pour les fonctions d’encadrement, s’il y a lieu ;
- Les potentielles modalités d’amélioration de ses compétences ;
- Ses besoins de formation (sur ce point, le fonctionnaire doit être informé de ses droits relatifs à son compte personnel de formation).
Le tout en prenant compte des conditions d’organisation et de fonctionnement de la structure.
3. Un échange à préparer
L’efficacité de ce dialogue nécessite un minimum d’anticipation de tous les protagonistes.
Pour que cet échange s’avère constructif, les managers en particulier vont devoir être accompagnés et formés à sa pratique. En amont de leur mise en place, il y a lieu de leur exposer le cadre légal, les objectifs et les enjeux des entretiens professionnels qu’ils devront mener. Il faudra également les former aux techniques de communication. Il en va de la sécurisation juridique des entretiens et de leur procédure. En outre, il est indispensable d’instruire les agents sur ce nouveau mode d’évaluation.
Les critères d’appréciation de la valeur professionnelle doivent être fixés par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination après avis du comité social d’établissement (CSE). Ils doivent porter « notamment » sur :
- les résultats professionnels obtenus et la réalisation des objectifs ;
- les compétences et connaissances professionnelles et techniques ;
- la manière de servir de l’agent et ses qualités relationnelles ;
- la capacité d’expertise et, le cas échéant, la capacité d’encadrement ou à exercer des fonctions d’un niveau supérieur.
On retrouve là, peu ou prou, les critères de la notation. On relève cependant l’intégration de la notion d’objectifs qui en était absente. Ce qui va dans le sens de la volonté des pouvoirs publics d’inscrire la logique de performance dans la fonction publique.
La précision du « notamment » apporte une certaine souplesse qui manquait aux critères de la notation à l’égard desquels l’administration n’avait pas la faculté d’ajouter des éléments complémentaires insusceptibles de se rattacher à ceux fixés par les textes, alors même qu’ils auraient eu pour objet de tenir compte des spécificités de chaque cadre d’emploi [3].
4. Un compte rendu à peaufiner
La rédaction d’un compte rendu d’entretien est obligatoire. Un arrêté du ministère des Solidarités et de la Santé doit encore définir un document type. Par ailleurs, au sein de chaque établissement et après avis du CSE, l’autorité investie du pouvoir de nomination devra établir un modèle.
Le compte rendu doit porter sur l’ensemble des thèmes abordés au cours de l’entretien, non pas seulement sur ceux fixés par le décret, et comporter une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de l’agent. Il est dressé et signé par le supérieur hiérarchique, puis visé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, qui pourra formuler ses propres observations. Ce qui peut paraître curieux dès lors que cette dernière n’aura pas assisté à l’entretien…
La notion d’objectifs qui était absente de la notation, est désormais intégrée à l’entretien.
Le document est communiqué à l’agent dans un délai maximum de 30 jours suivant l’entretien. Celui-ci peut le compléter par ses propres remarques. Il aura alors 15 jours pour le transmettre à son supérieur hiérarchique. Le compte rendu est ensuite notifié au professionnel qui le signe pour attester qu’il en a pris connaissance, et non nécessairement qu’il est en accord avec celui-ci, puis le retourne à l’autorité investie du pouvoir de nomination.
(1) Voir en ce sens l’étude d’impact sur le projet de loi de transformation de la fonction publique et le rapport du Conseil d’État, « Perspectives pour la fonction publique », 2003.
(2) Étude d’impact, op. cit.
(3) Conseil d’État, 12 déc. 2008, n° 297183