L’établissement de la preuve et son admissibilité par le juge administratif

Revue : La Gazette des communes

L’établissement de la preuve et son admissibilité par le juge administratif

Revue : La Gazette des communes

Il n’est pas rare qu’une collectivité employeur ait vent de l’exercice d’une activité professionnelle par l’un de ses agents, pourtant en arrêt maladie de longue date, ou encore par un agent en exercice mais n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation ou déclaration de cumul d’emplois.

La collectivité pourrait alors décider d’engager une procédure disciplinaire à l’égard de cet agent et, en cas de cumul d’emplois illégal, exiger le remboursement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement. (1)

En cas de congé pour maladie, elle pourrait décider de l’interruption du versement de la rémunération ainsi que le reversement des sommes perçues par l’agent au titre du traitement et des accessoires (2). Cependant, la collectivité est face à une difficulté: celle de la preuve dudit exercice illégal par l’agent d’une activité rémunérée. En effet, à défaut d’éléments de preuve tangibles, les décisions pourraient être jugées illégales car manquant en fait. Dans ce contexte, il est indispensable pour la collectivité de constituer un dossier de preuves en amont de toute décision. La question est alors de savoir quels éléments de preuve une collectivité peut collecter et par quels moyens elle est susceptible de les obtenir.

Les principes : La preuve est libre devant le juge administratif

C’est par un arrêt remarqué de 2014 que le Conseil d’Etat a affirmé le principe de liberté de la preuve. En effet, il est dorénavant de jurisprudence constante que « en l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen (3). Ainsi, tous les types de preuves sont admis par le juge administratif sont alors retenues les témoignages, les enregistrements, les e-mails, les photos, les captures d’écran même tirées des réseaux sociaux ou des vidéos surveillances, les études dactylographiques…

Ces éléments doivent cependant avoir une force probante suffisante pour établir la matérialité des faits reprochés à l’agent et être dès lors circonstanciés, plausibles et concordants. Il est d’ailleurs souvent nécessaire de cumuler les éléments de preuve.

Si la preuve est libre devant le juge administratif, l’administration ne peut obtenir les éléments de preuve de manière déloyale.

L’administration est tenue à une obligation de loyauté à l’égard de ses agents

Après avoir affirmé le principe de la liberté de la preuve, le juge administratif a, dans l’affaire de 2014, nuancé sa jurisprudence en jugeant que : « tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté; qu’il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance

(1) Loi statuaire du 13 juillet 1983, art. 35 septies.
(2) Voir notamment en ce sens pour le Citis l’article 37-15 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l’application de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l’organisation des comités médicaux, aux conditions d’aptitude physique et au régime des congés de maladie de fonctionnaires territoriaux.
(3) CE, 16 juillet 2014, req. n°355201.

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