L’article 30 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a instauré les lignes directrices de gestion (LDG) dans les trois versants de la fonction publique (1). Les LDG sont de deux ordres. La loi distingue, d’une part, celles relatives à la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, entrées en vigueur le 2 décembre 2019, d’autre part, celles relatives aux orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours, qui seront applicables à compter du 1er janvier 2021. L’instauration de ce nouvel outil juridique traduit une pratique ancienne mais jusqu’alors non encadrée.
Outil de droit souple
Les LDG n’ont pas vocation à se substituer aux règles statutaires, ni aux principes constitutionnels, législatifs et généraux du droit: il s’agit dès lors d’un outil de droit souple, elles ne doivent axer que des orientations générales. La loi du6 août 2019 précise que les LDG portant sur la mobilité pour la fonction publique d’Etat, ainsi que celles relatives à la promotion et la valorisation des parcours interviennent « sans préjudice du pouvoir d’appréciation de l’autorité compétente en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d’un motif d’intérêt général».
Volonté d’un législateur
La volonté du législateur ne fait alors aucun doute: inscrire ce nouvel outil normatif dans la vague du droit souple. Le droit « souple » qui a pour vocation d’accompagner la mise en oeuvre du droit «dur» peut être défini, selon le Conseil d’Etat (2), comme l’ensemble des instruments qui: – ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion; – par leur contenu et leur mode d’élaboration, présentent un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit :
– ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires.
Pour circonscrire les LDG à du droit souple, le législateur a repris les limites axées par le Conseil d’Etat dans sa décision « Crédit foncier de France » (3), selon laquelle:
« Une autorité administrative qui ne dispose pas du pouvoir réglementaire en la matière peut encadrer l’action de l’administration dans le but d’en assurer la cohérence en déterminant, par la voie de lignes directrices et sans édicter de condition nouvelle, des critères permettant de mettre en oeuvre un texte qu’elle est chargée d’appliquer, sous réserve de motifs d’intérêt général conduisant à y déroger et de l’appréciation particulière de chaque situation. »
L’instauration du droit souple dans la fonction publique, par le biais des LDG, fait ainsi écho aux préconisations du Conseil d’Etat dans son étude annuelle de 2013 dédiée à cette notion (4).
Recherche d’un équilibre
Un équilibre dans la gestion des agents publics entre rigidité et souplesse est recherché. D’un côté se trouvent les dispositions législatives et réglementaires qui forment le droit statutaire marqué par sa rigidité. Ces règles ont pour objectifs, dans le cadre d’une gestion de masse, d’assurer, aux agents, une égalité de traitement par le biais de règles transparentes. A cela s’oppose le principe du pouvoir d’appréciation réservé aux autorités administratives, synonyme d’une grande souplesse. Les LDG ont alors pour vocation d’exercer un rôle pivot entre cette rigidité et cette souplesse. Elles permettent ainsi d’édicter, par une norme de droit souple publiée et donc portée à la connaissance des agents, les critères selon lesquels l’autorité hiérarchique entend apprécier les situations particulières qui lui sont soumises. Elles s’imposent à l’autorité compétente qui peut toutefois y déroger, sous couvert de son pouvoir d’appréciation, à la condition de justifier de circonstances particulières ou d’un motif d’intérêt général. En cela, les LDG ne peuvent être assimilées aux conventions collectives que l’on retrouve en droit du travail. Si, pour la «transformation de la fonction publique», le législateur s’est fortement inspiré du droit du travail, il a veillé à en garder les spécificités.
(1) Loi n°84-16 du 11 janvier 1984 (FPE), art. 18, loi n°84-53 du 26 janvier 1984 (FPT), art.33-5 , loi n°86-33 du 9 janvier 1986 (FPH), art.26.
(2) Etude annuelle de 2013 du Conseil d’Etat sur le droit souple.
(3) CE, 11 décembre 1970, reg. n°78880.
(4) Préconisation n°2 de l’étude annuelle de 2013 du Conseil d’Etat sur le droit souple: « inciter les administrations à recourir lorsque c’est approprié, aux directives au sens de la jurisprudence Crédit foncier de France […] pour la définition d’orientations en matière de gestion des agents publics ».